lundi 26 décembre 2016

Fluide Glacial spécial «Idées noires»

Sur le site de Fluide Glacial.


Une marée noire, une machine robotisée à faire des conserves de poulet, un ministre cynique qui place le budget de l'armée devant la santé, des bulldozers bétonnant la ville, des généraux jouant à la pétanque avec des grenades, d'autres qui déclenchent une guerre nucléaire, un bourreau qui emmène sa guillotine chez le rémouleur…

Quand en 1977 Franquin publie ses premières Idées noires, il ne soupçonne pas que, quarante ans plus tard, elles seront toujours d'une actualité brûlante. En fin de compte, il ne serait pas incongru de définir Franquin comme un genre de « lanceur d'alerte » qu'on n'aurait pas vraiment pris au sérieux.

Franquin était un homme affable, jovial et drôle, dont le rire tonitruant et communicatif résonne encore aux oreilles de ceux qui l'ont côtoyé. Il a pourtant été décrit depuis le milieu des années 1970 par ses exégètes comme tourmenté et meurtri par une dépression chronique, soi-disant à l'origine de ses « monstres » puis des Idées noires

La réalité est pour le moins plus nuancée, voire – si l'on en croit Franquin lui-même – plus frivole : « Pourquoi fait-on des dessins affreux ? Je crois que c'est surtout pour le plaisir simple et bête de faire des grimaces... En cherchant un peu plus loin, on trouverait peut-être que c'est pour transformer en gag la crainte du vieillissement, de la maladie, du cercueil ! S'il n'est pas ce remède, le dessin d'horreur est un dévergondage, ce qui n'est pas une raison pour que je m'en abstienne... » 





Reste qu'Idées noires est une oeuvre puissante. L'aboutissement de l'art de Franquin : son chant du cygne.

C'est le moment où la pureté de sa maîtrise technique et son humour incisif rejoignent ses convictions profondément humanistes. C'est aussi un chef-d'oeuvre de l'humour noir. Oscillant entre optimisme et pessimisme, les Idées noires ne sont jamais cyniques.



On y comprend le simple besoin de montrer du doigt les horreurs du monde pour les conjurer dans un éclat de rire. En cela, cette oeuvre magistrale ne pouvait trouver meilleur écrin que Fluide Glacial, le journal de Gotlib qui disait d'elles : « Dès la première idée noire, Franquin a l'air de dire : "Attention, là c'est plus de la rigolade comme avant !" Il annonçait la couleur, c'est-à-dire le noir et le blanc... »

Gérard Viry-Babel

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