lundi 17 octobre 2016

Entrevue avec Françoise Mouly du «New Yorker»

Sur le site de Libération.

Dessin réalisé par Lorenzo Mattotti pour «Libération». 

Extraits:
Pendant très longtemps, le magazine, fondé en 1925 par Harold Ross, fut un magazine d’humour. Puis il tomba sous la coupe d’un rédacteur nommé William Shawn, qui en a fait un objet bien plus sérieux, avec de longs reportages sur Hiroshima. Il s’était pris au jeu du dandy de notre logo qui, avec son monocle, jette un regard détaché sur le monde. Les unes devaient offrir un répit face au tohu-bohu de l’actualité, il fallait que les choses incendiaires soient écrites, pas dessinées ! Ce qui explique que le New Yorker soit passé à côté de toute la génération des Tomi Ungerer, des Push Pin Studios, de Seymour Chwast, de Robert Crumb, Art Spiegelman…
Dessin de Rea Irvin

Tina Brown a changé tout cela, annonçant, dès son arrivée en 1992, qu’elle voulait travailler avec Richard Avedon (alors qu’il n’y avait jamais eu de photo dans l’hebdo), Ed Sorel et Art Spiegelman - elle connaissait Maus car il avait eu le prix Pulitzer.
Dessin d'Edward Sorel

La première couverture qu’on a faite sur le mariage gay, signée de Jacques de Loustal, en 1993 ou 1994, avec deux hommes devant une pièce montée sur fond rose, avait choqué à l’époque parce que c’était inconcevable, le mariage homosexuel. Vingt ans plus tard c’est devenu la loi, et cela a changé non pas parce qu’on a interdit certains mots, mais sans doute grâce à la télévision, aux magazines, à la culture pop, où il a commencé à y avoir plus de diversité dans les représentations du couple.
Dessin de Jacques de Loustal

On a passé, cet été, une couverture de Kadir Nelson, artiste afro-américain avec qui je travaille depuis longtemps, qui illustrait un homme noir sur la plage avec son enfant sur les épaules, tenant la main de sa fille. C’était un autoportrait, il avait conçu cette image pour la fête des pères. On n’avait pas pu la passer, mais on s’est dit que c’était une belle image pour l’été. Elle a été publiée au moment où, pour la énième fois, des policiers assassinaient des Noirs sans raison. L’image a été diffusée plusieurs millions de fois sur les réseaux sociaux, car elle semblait sans doute un antidote à tout ce qui était en train de se passer.
Dessin de Kadir Nelson

Même la une publiée pendant la campagne de 2008, où l’on voyait Obama habillé avec un turban et Michelle avec une mitrailleuse, qui a soulevé d’innombrables protestations et nous a fait traiter de tous les noms, est désormais perçue comme un bon résumé des calomnies dont Obama a fait l’objet. Je pense qu’elle a aidé à faire évoluer le débat, car les démocrates ne parlaient pas de ce problème, et l’image a en quelque sorte servi de vaccin.
Dessin de Barry Blitt

L’une des (couvertures les) plus importantes, c’est celle faite pour le 11 Septembre [deux tours noires sur fond noir, ndlr], car c’était la première fois que je ressentais que le dessin était incapable de traduire les émotions très complexes que nous ressentions, et c’est de ce sentiment-là qu’est née cette une.
Dessin de Art Spiegelman

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