mercredi 17 décembre 2014

"Sketch Freedom Cartoon Expo", entretien avec Kianoush Ramezani, commissaire de l'exposition

Entretien avec Guillaume Doizy sur le site Caricatures et caricature.


Tu as conçu l’exposition « Sketch Freedom Cartoon Expo » qui se tiendra bientôt à Göteborg en Suède. Quel est l’objet de cette manifestation ?

J'ai fondé un mouvement appelé “Sketch Freedom” (Dessine la Liberté) que j'ai lancé en 2013 de Normandie. C'est un mouvement mondial pour aider les dessinateurs en exil. J'ai ensuite initié un projet pour faire de l'exposition Sketch Freedom l'évènement officiel du festival du film de Göteborg.

La première fois, j'ai été le commissaire de l'exposition en partenariat avec Les Archives Nationales Suédoises de Göteborg qui ont hébergé l'expo l'année dernière et qui l'hébergent de nouveau cette année. 
L'exposition de l'année dernière a été une première mondiale pour le mouvement. Le festival compte plus de 300 000 spectateurs, c'est pourquoi je voulais faire entendre ma voix et rendre visible ces deux concepts : les dessinateurs exilés et la liberté d'expression. 
C'est un projet original qui n'a aucun équivalent dans le monde du dessin de presse.

Sur quels critères les dessinateurs/trices ont-t-ils (elles) été choisis ?

Leur talent, leur engagement dans le mouvement, ce qui les caractérise et ce que je pense d'eux.

Le dessin éditorial s’appuie sur une palette de signes communs à la plupart des dessinateurs. Quelles figures ou procédés récurrents sont-ils utilisés pour évoquer la liberté d’expression et les contraintes qu’elle rencontre ?

Lorsqu'ils travaillent sur ce thème, les dessinateurs utilisent d'une façon ou d'une autre les mêmes symboles, évoquent les mêmes problèmes pour créer leurs œuvres. Les journalistes, les médias, la presse, la répression et la prison sont les sujets les plus populaires.

Quelles sont les différentes menaces qui pèsent aujourd’hui sur liberté d’expression ?

Je peux mentionner deux sortes de menaces : celle qui dépend du pays et celle qui dépend de sa situation politique. Dans les pays en crise, le système tue systématiquement la liberté par la censure et autres modes de répression. Dans les pays “démocratiques” l'auto-censure ainsi que la censure par l'argent et le profit sont les deux principales menaces.

Les dessinateurs sont-ils plus facilement victimes de la censure que les journalistes de plume ?

Je peux répondre oui, en général, pour les deux dans les pays dictatoriaux . Mais dans les pays religieux qui ont également des tabous sociaux, le danger, pour les dessinateurs est bien plus important.

Au fait, c’est quoi, un bon dessinateur de presse ?

C'est celui qui s'engage pour la liberté d'expression et pour la vérité. Celui qui est sensible aux problèmes de la société et qui agit est finalement celui qui dessine le mieux. La technique est très importante : elle est l'instrument qui sensibilise les gens et qui fait passer le message.

Pourquoi cette exposition se tient-elle en Suède ? A-t-elle vocation à circuler ?

Simplement parce que la réponse des parisiens ne fut ni positive ni concrète. Mon premier et dernier projet international fut l' “Exposition Internationale des Exilés” en 2011. J'ai obtenu une bourse d'artiste résident à la cité des arts de la Ville de Paris comme récompense pour avoir mis sur pied l'Expo des Exilés, avoir été son concepteur et commissaire mais quelques mois plus tard, mon projet avait été volé par la Maison des Journalistes, avait circulé dans beaucoup de pays et d'endroits sans que je sois informé, sans ma participation !!!

A Paris, j'ai un statut qui empêche les décideurs de me prendre au sérieux. Je suis un réfugié. Il y a une grande exception : Le Mémorial de Caen. Le directeur du mémorial est le seul, je dis bien le seul, à ne pas prendre ombrage de mon statut ! Quelle différence ! Les conséquences sont bien sûr évidentes. Grâce à ce point de vue, j'ai été, en Normandie, impliqué dans beaucoup de projets concernant le dessin de presse professionnel . 

L'année dernière, j'ai pu lancer le mouvement “Sketch Freedom” et faire, maintenant pour la deuxième fois, l'expo en Suède. Du point de vue suédois, je suis simplement Kianoush, un artiste et un commissaire efficace ! De plus, ils ne voient pas mon étiquette “pauvre réfugié”. Si un tel projet existe pour la seconde fois en Suède, c'est la seule raison.

Je rêve de faire venir cette expo à Paris et dans d'autres villes françaises. Mais ils leur faut voir ce que je fais, il faut qu'ils m'invitent ! Cette fois, je ne vais rien leur demander, pas question de réclamer.

Propos de Kianoush Ramezani recueillis par Guillaume Doizy

Les artistes participants:

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