jeudi 7 août 2014

Gustave Doré bédéiste

Jonathan Franklin dans Magazine.



Rencontrez le couple César et Vespasie Plumet (et leur chien Azor), des commerçants parisiens récemment retirés de la passementerie tout excités à l’idée de partir en vacances dans les Alpes. Enfin, César est emballé … sa femme, un peu moins. Créée en 1851 par Gustave Doré, la bande dessinée désopilante de leurs aventures – et, le plus souvent, de leurs mésaventures – se révèle toujours aussi divertissante dans cette réédition de 2013, Des-agréments d’un voyage d’agrément aux Éditions 2024.

Entre pics et abimes vertigineux, entre changements de température spectaculaires et pingrerie des chauffeurs et des guides touristiques, entre consanguinité repoussante des gens du coin et hordes agaçantes de touristes (notamment de poètes amateurs et casse-pieds, prompts à s’extasier sur la beauté du paysage), notre héros aspire à une élévation spirituelle susceptible de rivaliser avec la hauteur des cimes. Quant à madame Plumet, esprit pratique s’il en est, elle barbe son mari la nuit avec d’interminables commentaires sur la passementerie genevoise. Enfin de retour à Paris, monsieur Plumet donne sa 900e projection de lanterne magique de leur voyage à un couple de relations endormi. Plus ça change…

Doré enchaîne les inventions humoristiques. Le livre devient le carnet d’esquisses de Plumet lui-même, marqué de larmes, d’empreintes de pas et d’autres intrusions décrites dans le récit, tel le museau d’une vache gargantuesque qui surprend l’artiste amateur occupé à dessiner par une belle matinée. La nervosité de madame Plumet, qui surveille les péripéties de son mari et son groupe sur les pentes, s’exprime à travers une série de doubles médaillons évoquant un spectacle observé à la lorgnette. Sans gêne aucune, Doré s’invite même dans le récit : Plumet tombe à un moment donné sur « le célèbre Gustave Doré » qui peint en plein air, et celui-ci lui botte les fesses pour avoir suggéré qu’il caricature le paysage.

L’ouvrage s’achève sur une brève analyse de l’originalité de Doré dans le domaine de la bande dessinée. L’auteur, un anonyme érudit du XXIe siècle, va jusqu’à suggérer que la casquette à visière absurde, mais typique de Plumet – et qui devient au fil des planches une sorte de code graphique du personnage – préfigure le casque ailé porté par nul autre qu’Astérix le Gaulois.


L’exposition Gustave Doré (1832–1883). L’imaginaire au pouvoir
se poursuit jusqu’au 14 septembre 2014 au Musée des beaux-arts du Canada. 

est disponible à la Librairie du Musée.

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