mercredi 18 décembre 2013

«La gloire de Hara Kiri 1960-1985» chez Glénat

L. Cirade sur le site BD Gest.



« Du dessin et rien d’autre ! » Le sous-titre de ce nouveau recueil d’extraits du plusieurs fois défunt Hara Kiri annonce la couleur dès la couverture. Et il est fort possible que cet angle vaille à l’éditeur de séduire un lectorat qui jusqu’alors s’était détourné des précédentes compilations d’extraits du magazine créé par Cavanna et Bernier / Choron.


Découpé en trois époques (trois fois seppuku, fallait avoir la santé…), ce nouveau livre revient sur les temps des Pionniers (1960-1966), des Colosses (1967-1979) et du Repli (1980-1985). Sans céder à une interprétation sémantique outrancière, le choix d’accorder des titres louangeurs aux hommes des deux premières phases pour ne retenir qu’une action moins glorieuse pour qualifier la phase symbolisant le crépuscule du titre ne doit pourtant pas être le fruit du hasard.


Dessin de Topor


Dans l’œuvre du groupe de défricheurs originels, la re-découverte des premiers numéros de Hara Kiri permet de placer un coup de projecteur particulier sur les contributions de Topor et Fred. Avec ces deux géants et en ce début d’une décennie au cours de laquelle la France conservatrice allait subir quelques égratignures, les deux maîtres donnent un ton plus orienté vers l’absurde et l’interpellation plutôt que prompt à verser dans l’authentique « bête et méchant » qui fut la devise perpétuelle du journal. Les personnages plus ou moins monstrueux, les mondes angoissants qu’ils composent valent bien la peine d’être redécouverts. Pour illustrer cette touche caractéristique et rafraîchir la mémoire de ceux qui l’avaient oublié, on peut rappeler que Le petit cirque de Fred – dont on trouve ici un extrait – est né dans ces pages.


Dessin de Guy Pellaert


La deuxième partie se fait plus acérée et provocatrice et, osons un vrai gros mot, moins poétique malgré une ouverture de chapitre sur Guy Pellaert et sa Surviveuse dont l’apparition prend l’allure d’une caution artistique. Pourtant, au vu de cette sélection, les vedettes d’alors se nomment Cabu et Wolinski qui, en accompagnant les faits d’armes des machos ou des beaufs ainsi que les exploits de jeunes femmes sur la voie de la libération, semblent avoir trouvé leurs créneaux. Dans un registre plus cinglant et souvent plus théâtral que ses compères de cynisme, Willem a succédé à Topor et Fred, tandis que Gébé suit son bonhomme de chemin. De son côté, Reiser, dont l’éclosion est entraperçue dans la partie précédente, prend une dimension qui lui vaut encore aujourd’hui une aura supérieure à tous ses compagnons de tapage.

« Vieillesse » par Reiser


Au fur et à mesure, le sexe occupe une place de plus en plus importante. Le politiquement correct - qui fera son retour en société au cours du début des années 2000 - est foulé au pied et le handicap, le viol et la violence faite aux femmes en général sont des sujets de première bourre. La dernière partie est indiscutablement la moins convaincante et les noms qui accompagnent une fin de règne sur l’excès disponible en kiosque n’ont pas tous marqué les esprits (bon, ok, arrêtons la langue de bois, c’est souvent faiblard et n’en parlons plus).

Plusieurs fois condamné, interdit, touché par les querelles intestines de duo placé à sa tête (les boyaux de la tête disait quelqu'un...), Hara Kiri reste un symbole de chahut salutaire et pour une partie des créations qu’il a osé placer devant tous les yeux, complices ou non, il restera dans les mémoires. Cette fois, les articles, les montages et romans photos ne sont pas là et, finalement, parce que ce livre offre un autre regard sur son style. Bien vu.

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