mardi 20 mars 2012

Expo Spiegelman au Centre Pompidou

Exposition du 21 mars au 21 mai 2012 au Centre Pompidou de Paris
Bibliothèque publique d'information

Fidèle à sa vocation culturelle, la Bibliothèque publique d'information a conçu, en partenariat avec le Festival International de la Bande dessinée d'Angoulême, une exposition destinée à rendre hommage à l'oeuvre d'Art Spiegelman. C'est pour la bibliothèque une occasion unique d'enrichir une programmation, déjà dense, autour de la bande dessinée (rencontres dessinée, débats, performances, ateliers…), centrée sur l'actualité et sur la mémoire contemporaine, attentive aux multiples tumultes de l'Histoire et aux traces parfois sanglantes qu'ils inscrivent dans la sphère internationale, et destinée à donner au public des clés de compréhension du monde contemporain.

Emmanuèle Payen, Service de l'action culturelle, Commissaire déléguée pour la Bpi

Que ce soit en qualité d'auteur de bande dessinée, d'illustrateur, d'éditeur ou de critique, Art Spiegelman a depuis longtemps dynamité les frontières qui séparent en apparence la culture savante de la pop-culture. À travers Maus, pierre angulaire d'une forme de récit en images que l'on appelle parfois, à tort ou à raison, "roman graphique", Spiegelman a prouvé par l'exemple que la bande dessinée n'était pas condamnée au divertissement pour la jeunesse et qu'elle pouvait aborder avec justesse et intensité un sujet aussi dramatique que l'Holocauste sans renoncer à l'insolence ou à la subversion.
En dehors de Maus, somme monumentale récompensée en 1992 par un Prix Pulitzer, l'oeuvre de Spiegelman se compose à la fois d'histoires courtes et d'instantanés parus dans des revues underground ou dans des magazines prestigieux, mais aussi d'illustrations pour la presse ou l'édition littéraire. Créateur exigeant et perfectionniste, Art Spiegelman révèle, à travers ses images, tout autant que dans le découpage de ses planches, un sens de la composition qui ne cède rien au hasard. Auteur radical au style protéiforme, cet érudit de l'histoire de la bande dessinée a toujours su adapter la forme de son trait à la justesse de son propos. Il a en outre épousé avec intégrité le genre autobiographique, démontrant que le métissage de mots et de dessins propre à la bande dessinée était un medium à part entière et non un sous-genre, et pouvait exprimer les introspections les plus intimes aussi bien que la littérature, les beaux-arts ou le cinéma.
En compagnie de son épouse Françoise Mouly, une jeune artiste française qui venait de s'établir à New York, il a posé en 1980 une véritable bombe esthétique en fondant RAW. Aujourd'hui encore, cette revue résonne avec la création actuelle comme la déflagration tonitruante d'un manifeste en faveur de l'exploration de toutes les facettes de la bande dessinée. Le sommaire de RAW réunissait en effet des auteurs américains, japonais et européens, contemporains ou passés, qui partageaient tous une très haute ambition dans le domaine du graphisme comme dans celui de la narration. Par la modernité et l'audace de ses choix artistiques, RAW a permis de changer le regard posé sur une forme d'expression trop peu souvent considérée comme un art à part entière.
La variété thématique des projets d'Art Spiegelman lui permet de tirer le meilleur parti des potentialités formelles et signifiantes de ce medium qu'il désigne parfois, comme ses contemporains de l'underground américain, sous le nom de comix, mais qu'il aime aussi appeler co-mix, évoquant ainsi le mélange des images et des mots. Les travaux de Spiegelman révèlent non seulement une insoumission révoltée et une urgence d'expression personnelle propres aux plus grands créateurs, mais aussi et surtout une foi inexpugnable dans les potentialités infinies de la bande dessinée. Car, si Art Spiegelman a consacré sa vie à mixer les images et les mots avec tant de passion et d'inventivité, c'est, sans doute avant toute chose, pour traduire les émotions et les pensées fondamentales qui le traversent. Spiegelman, qui a refusé toutes les offres d'adaptation de Maus au cinema pour préserver l'intégrité de cette oeuvre, se trouve et se raconte depuis toujours en BD ; il rêve parfois même en bandes dessinées.

Benoît Mouchart, Directeur artistique du Festival de la Bande dessinée d'Angoulême

Les axes de l'exposition

L'underground
À San Francisco, Art Spiegelman édite dans les années 1970 la revue Arcade, à laquelle collaborent notamment Robert Crumb et Gilbert Shelton. Il publie alors ses premiers travaux, récits de vie souvent très brefs baignant dans l'underground de l'époque.
Fac-similés et originaux seront exposés, ainsi que les toutes premières pages dessinées par l'auteur.

Breakdowns, portrait de l'artiste en jeune
Cette partie reprendra certaines histoires courtes, parues pour la première fois en 1977 et réunies dans le recueil éponyme (Casterman, 2008). Spiegelman porte dans le livre un regard pessimiste sur son environnement, et s'intéresse à la mémoire, la sienne autant que celle de ses parents.
Ces pages de jeunesse montrent une démarche autobiographique singulière, et annoncent le travail mémoriel et introspectif du futur Maus.

Maus
Cette partie centrale de l'exposition mettra en valeur l'oeuvre majeure d'Art Spiegelman. Ce livre de près de 300 pages, réalisé entre 1978 et 1991, a été traduit dans dix-huit langues et publié en France par Flammarion à partir de 1987. L'intégralité des planches des deux volumes sera présentée en fac-similés, ainsi que 200 documents originaux, dont de nombreux croquis, storyboards et recherches qui composent la matrice des pages finales. D'importants documents d'archives de la famille Spiegelman seront aussi présentés.

La Revue Raw
Avec Françoise Mouly, actuelle directrice artistique du New Yorker, Art Spiegelman a créé la formidable revue RAW, où Maus a été prépublié. En douze numéros, publiés de 1980 à 1991, RAW a marqué l'histoire de la bande dessinée contemporaine par son exigence, son avant-gardisme et son habileté à mélanger bande dessinée, illustration et graphisme, réunissant des auteurs venus de tous pays qui, selon les mots de Spiegelman, "s'intéressaient au vocabulaire de la BD" : Charles Burns, Tardi, Joost Swarte, Baru, Lorenzo Mattoti, Loustal, Chris Ware, Gary Panter, Mark Beyer, Jerry Moriarty… La revue sera présentée dans son intégralité sur des écrans, ainsi que les livres publiés par la maison d'édition RAW Books.

À l'ombre des tours mortes
Ce projet post-11 Septembre (Casterman, 2004) est une réunion de planches de grand format parues à l'origine dans l'hebdomadaire allemand Die Zeit. Bousculant les habitudes de lecture par une mise en page étonnante, Spiegelman y dit son amour pour New York et dénonce le terrorisme intellectuel des années Bush.

Travaux d'illustration
Des pièces connues et moins connues seront présentées dans cette dernière partie qui reviendra sur le travail d'illustrateur d'Art Spiegelman. Auteur de nombreuses couvertures du New Yorker, il a également illustré La Nuit d'enfer, de Joseph Moncure, ainsi que l'édition allemande des ouvrages de Boris Vian.


Propos recueillis par Benoît Mouchart, Directeur artistique chargé de la programmation culturelle du Festival International de la bande dessinée d'Angoulême.

À travers le roman graphique Maus, le dessinateur new-yorkais Art Spiegelman raconte le destin de ses parents rescapés d'Auschwitz. Il donne aux Juifs les traits de souris et aux nazis ceux de chats. Selon l'essayiste Benoît Peeters, il offre « par rapport à un film sur la Shoah, un accès au réel beaucoup moins indécent ». À l'occasion du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême et de la sortie de MetaMaus, la Bibliothèque publique d'information lui consacre une exposition. Maus est présenté dans son intégralité avec des documents préparatoires, des travaux parus à la fin des années 1960, des illustrations pour le New Yorker, des livres pour la jeunesse…

BENOÎT MOUCHART – 20 ans après Maus, vous publiez MetaMaus. Est-ce un travail nécessaire avant de commencer de nouveaux projets ?
ART SPIEGELMAN – Depuis la publication de Maus, des milliers de souris m'ont pourchassé. Je suis fier de ce travail, mais parfois aussi exaspéré par son succès. Ce que j'ai pu entreprendre depuis – essayer de me réinventer – demeure dans l'ombre de cet ouvrage et de cette tragédie. J'espère que MetaMaus répondra à toutes les questions que Maus a soulevées et me permettra de tourner la page. Lorsque quelqu'un me demandera « Pourquoi des souris ? », je répondrai « Allez voir pages 110 à 119 ! » Ce travail me hante encore. Je ne l'avais pas réalisé jusqu'à ce que je regarde les photos, les documents, croquis et notes nécessaires pour réaliser MetaMaus. Ceux qui pensent que travailler sur Maus a été cathartique se trompent. J'ai dû développer une carapace pour y oeuvrer sans me blesser. L'armure a disparu quand le travail s'est achevé […]. Faire face à nouveau à ce passé et cette tragédie familiale m'a montré que les blessures sont toujours vives.

BM – Vos travaux de jeunesse étaient liés à la contre-culture des années 1970 et à l'autobiographie. Votre inspiration est-elle personnelle et politique avant tout ?
AS – Ce qui nourrit toutes mes bandes dessinées, qu'elles soient d'inspiration personnelle, politique ou autre, c'est l'aspect formel du travail : les mots et les images sur une page comme un diagramme, un circuit de pensées.

BM – Vous avez cité Marshall McLuhan « Quand un média perd de son autorité dans une culture, il devient art ou il meurt. » Croyez-vous que l'exposition puisse agir pour la reconnaissance de la BD ?
AS – Bien sûr. Les manifestations autour de la bande dessinée sont nombreuses, en Europe comme aux États-Unis. Bientôt il faudra se méfier des BD qui vont devenir trop institutionnelles. Une part de l'énergie de ce médium vient de ses racines populaires, et j'espère contribuer à la préservation de cette tradition. Après tout, j'ai fait Les Crados, des BD pour Playboy et ce roman graphique qui a remporté le Pulitzer…


BIBLIOGRAPHIE FRANÇAISE
Maus, 2 volumes, Flammarion, 1987 et 1992.
MetaMaus, Flammarion, 2012.
Breakdowns – Portrait de l'artiste en jeune, Casterman, 2008.
A l'ombre des tours mortes, Casterman, 2004.
Bons baisers de New York, Flammarion, 2003.
Be a nose !, Casterman, 2009.
Ouvre, je suis un chien !, Gallimard Jeunesse, 1997.
Little Lit, 2 volumes, Seuil, 2002 et 2005.
Jack et la boîte, Casterman, 2009.
La Nuit d'enfer (texte de Joseph Moncure), Flammarion, 1996.


Cette manifestation est organisée par la Bibliothèque publique d'information,
Pôle Action culturelle et Communication

Commissaire de l'exposition
Fondatrice de la Galerie Martel, Rina Zavagli-Mattotti, contact@galeriemartel.fr

Chef de projet, expert en bande dessinée, Jean-Marie Derscheid
Scénographes, Monique et Xavier Dumont

Commissariat exposition Bpi
Emmanuèle Payen, Commissaire déléguée, 01.44.78.49.02, payen@bpi.fr
Florence Verdeille, Chargée de programmation, 01 44 78 44 52, florence.verdeille@bpi.fr

Festival d'Angoulême
Franck Bondoux, Délégué général du Festival international de la bande dessinée
fbondoux@bdangouleme.com
Benoit Mouchard, Directeur artistique du Festival international de la bande dessinée bmouchart@bdangouleme.com
Gaétan Akyüz, Asistanat artistique
gakyuz@bdangouleme.com
Marie-Noëlle Bas, Coordination et partenariats
mnbas@bdangouleme.com

Service Communication Bpi
Cécile Desauziers, 01 44 78 40 24, cecile.desauziers@bpi.fr
Festival d'Angoulême
Julie Rhéaume, 06.11.30.85.21, jrheaume@bdangouleme.com

Régie d'espace
Adrien Pasternak
Renaud Ghys




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