vendredi 20 janvier 2012

La dessinatrice tunisienne Nadia Khiari au RIDEP


Les rencontres internationales du dessin de presse (RIDEP) 2012, viennent de débuter à Carquefou. Ce festival de dessin de presse propose un regard critique, réfléchi et aussi humoristique sur l’actualité internationale et sur les grandes questions de société.
Entrevue de Nadia Khiari sur France 3.
Autour de la thématique « Internet et Libertés », cette 13e édition du festival de dessin de presse surfe sur l’actualité internationale à travers des expositions, des conférences-débats, desrencontres avec les dessinateurs de presse et un concours de dessin pour les scolaires.
L’affiche de cette nouvelle édition du festival est créée par la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari. Invitée à la rédaction du journal Ouest France à Nantes, avec ses collègues venus d’Australie, de Chine, d’Aïzerbadjan, des USA, du Qatar, de Tanzanie, du Kenya, des Philippines, de Belgique et de Grande-Bretagne, elle évoque ce que peuvent le dessin et l’humour.



Interview de Nadia Khiari, dessinatrice de presse tunisienne, réalisée en novembre 2011 et parue dans le Carquefou Mag n°91.
Quand et comment est né Willis ?
Willis from Tunis est né le soir du 13 janvier 2011, durant le dernier discours du président déchu, où il promettait la liberté de la presse et la levée de la censure. C’était sa dernière “cartouche” et je l’ai pris au mot.
Quelle en était la motivation ?
Au départ, c’était une façon de détendre l’atmosphère autour de moi. Mes proches étaient tendus et je voulais les faire sourire. J’ai donc créé un profil sur Facebook pour leur faire partager mes dessins durant le couvre-feu. C’était aussi une catharsis pour moi, une façon de prendre du recul par rapport à la situation particulièrement angoissante.
Avec le succès grandissant de Willis, y a-t-il un projet de blog qui lui sera dédié ?
La fan page sur Facebook me permet de toucher un maximum de monde mais je compte effectivement créer un site Willis from Tunis.
Quelle a été la réaction du public en découvrant que “Nadia” se cachait derrière Willis ?
J’ai fait mon “coming out” le jour de la première signature du livre et c’était assez amusant de voir les réactions des gens. Ils pensaient tous que j’étais un geek boutonneux adolescent ou un homme d’un certain âge. Voir que ce type d’humour émanait d’une femme les a beaucoup étonnés. Je me suis même fait traitée de phallocrate durant la période d’anonymat. Je me suis bien marrée…
Le succès de Willis et cette brèche démocratique vous ont ouvert de nouvelles collaborations collectives ?
Le fait de pouvoir enfin s’exprimer librement a donné des ailes à beaucoup d’artistes. J’ai fait partie d’un collectif de graffeurs (avec qui on a recouvert les murs des maisons de l’ancienne famille du président avec des messages politiques). De plus, nous avons monté un collectif de bédéistes et avons sorti un recueil de nos travaux respectifs (Koumik, préfacé par Siné).
Le succès de Willis a certainement déclenché des critiques, voire des menaces ?
Il est évident que mon travail ne plaît pas à tout le monde mais j’accepte toutes les critiques et je ne censure jamais rien sur mon “mur” de Facebook. Marre de la pensée unique et du consensus. Par contre, ayant reçu des menaces, je me dis que c’est dommage de revenir en arrière et de voir que les méthodes de l’ancien régime persistent encore.
Quel est votre regard au vu des résultats des premières élections démocratiques dans votre pays ?
Le fait de voir qu’un parti islamiste remporte une majorité relative de voix ne m’enchante pas. Mais je joue le jeu de la démocratie. J’espère qu’eux aussi le joueront.
Pensez-vous qu’exercer votre métier va être possible suite aux élections ?
Pour le moment, je continue à travailler. Depuis janvier 2011, nous vivons au jour le jour. Nous verrons bien ce que l’avenir nous réserve. Mais je reste optimiste…
Quels sont vos projets artistiques ?
J’espère continuer à publier des bandes dessinées et à travailler dans Siné mensuel qui m’a donné la chance inouïe de montrer mon boulot.
Durant les quelques mois qui ont suivi les révolutions arabes, on a senti une poussée démocratique et un regain de collaborations artistiques montrant au monde les talents tunisiens, pensez-vous que cette lancée va être freinée voire stoppée suite à l’élection des islamistes d’Ennah-da ?
Je pense que c’est à eux qu’il faut le demander (rires).
Carquefou est fière de vous accueillir pour les RIDEP. Participez-vous souvent à ce genre de rencontres entre dessinateurs ?
C’est la première fois que j’ai cet honneur. Si on m’avait dit il y a un an que je sortirais mon premier livre, que je travaillerais pour Siné et que je serais l’invitée d’honneur des Ridep, j’aurais bien rigolé !
Connaissez-vous des dessinateurs invités cette année ?
Je connais Aurel et Goubelle et j’ai découvert les autres dessinateurs grâce au site des RIDEP. J’ai hâte de tous les rencontrer.
Quel message souhaitez-vous passer au public qui va venir vous rencontrer ?
Mon seul message est que l’humour permet de surmonter des situations difficiles, facilite le dialogue avec les autres.
Que pensez-vous de “Willou from Carquefou“ comme mascotte du festival 2012 ?
(Rires !) Willis from Tunis a donc un cousin carquefolien ! Parfait !

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